Au loin des étangs, riches en phytoplancton, au premier plan des bassins de 1 m de profondeur appelés raceway. Dans ces eaux troublées par des matières naturelles en suspension (l’esturgeon est lucifuge, il préfère l’obscurité), 45 000 femelles esturgeons sont élevées pour leurs oeufs. Pour s’occuper de ce cheptel impressionnant, Christophe, responsable du site, et son équipe ne ménagent pas leur peine.Au petit matin, on vérifie que tout va bien. Le matériel est inspecté, notamment tous les systèmes d’oxygénation de l’eau, essentielle au bien-être des poissons. Des systèmes de secours se déclenchent dès que l’on atteint le seuil de 7 mg/litre. Un comportement anormal des poissons constitue souvent une alerte, le sens de l’observation est une qualité cardinale. Ensuite, la journée est rythmée par le nourrissage. On disperse à la surface de l'eau des granulés composés à 40 % de farines et d’huiles de poissons certifiés « pêche durable », et à 60 % de protéines végétales, garanties sans OGM, principalement du soja et du colza. Aucune hormone de croissance ni activateur ni antibiotique, c’est du 100 % naturel. Pour faciliter l'assimilation, en fonction de leur âge, on nourrit les esturgeons entre une et quatre fois par jour. C’est du sur-mesure, on adapte la ration à chaque poisson. Les plus jeunes ont besoin de manger 2 % de leur poids, les plus âgés ou les plus grassouillets se contentent de 0,5 %.
Caviar, petit gris et “ pas prête ”
Pour individualiser l’élevage, le tri est l’opération la plus importante. On sépare notamment les timides des gloutons, pour leur permettre de se remplumer. Mais, surtout, on prépare la production de caviar. On isole les femelles en âge de produire des oeufs (à partir de 7 ans environ) avec des filets, on les rassemble dans des cuves avant de les apaiser avec du CO2. L’opération est délicate et particulièrement physique. Aujourd'hui, elles pèsent en moyenne 20 kg, il en est même une qui dépasse les 40 kg. Elle a été baptisée « la belle », la taille est un critère de beauté chez l’esturgeon. Immergés dans l’eau, le dos et les épaules sont soumis à rude épreuve mais le travail au grand air, avec le vivant, jamais routinier, fait oublier tous les bobos.Sur la table de tri, les poissons passent un à un à l'échographe. L'image nous renseigne sur la présence d’oeufs. Si celle-ci est confirmée, Christophe prélève quelques oeufs qui seront mesurés au décimètre et palpés entre deux doigts. Christophe est devenu expert, rien ne lui échappe. Sur ses indications, on répartit les femelles esturgeons en trois catégories, caviar, petit gris, « pas prête ». Chacune repart dans son bassin respectif via des goulottes toboggans. Les premières alimenteront la production à l’atelier de Saint-Genis-de-Saintonge. On laissera aux deuxièmes le temps de mener leurs oeufs à maturité, une année de plus. Les dernières pourront tranquillement entamer leur cycle de production (l'ovogénèse, qui dure deux ans). Ainsi va la vie à Saint-Fort-sur-Gironde, au rythme des esturgeons, bichonnés par des Hommes passionnés, d'expérience et savoir-faire.
Le contact avec l'animal est primordial. Lors du tri, épreuve extrêmement physique, Nicolas Proust et ses équipes saisissent à bras le corps des esturgeons de plus de dix kilos.
Les mots pour le dire l CAVIAR ! Mot sésame qui retentit à la table de tri. On sait que l’on tient une femelle prête à donner un caviar de bonne taille et bien ferme.
HISTURIA l L’Acipenser Sturio, esturgeon européen vivant dans l’Océan Atlantique et frayant en rivière, est protégé depuis 1982. Il fait l’objet d’un programme de réintroduction. Pour cela, on a fait venir dès 1986 l’Acipenser Baerii, proche cousin de Sibérie. On le trouve dans les piscicultures du Groupe Kaviar, avec l’Acipenser Gueldenstaedtii.
1,5 kg/m² l Densité d’esturgeon dans les étangs de Saint-Fort-de-Gironde. Lucifuge, le poisson vit au fond de l’eau le jour et remonte la nuit.
Article disponible dans CREAC #1
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Far from the ponds, rich in phytoplankton, in the foreground there are 1-metre-deep pools called raceways. In these waters, made cloudy by natural suspended matter (the sturgeon is lucifugous, it likes the dark), 45,000 female sturgeon are farmed for their eggs. To take care of this impressive fish stock, site manager Christophe and his team have their work cut out.In the early morning, they check that everything is in order. Equipment is inspected, especially all the water oxygenation systems, which are essential to the well-being of the fish. Backup systems are activated as soon as the threshold of 7 mg/litre is reached. Abnormal fish behaviour is often a warning, the sense of observation is a cardinal virtue. Then, the day is marked out by feeding times. Granules are thrown into the water, consisting of 40% fish meal and oils, certified as coming from “sustainable fishing”, and 60% vegetable proteins, guaranteed to be free from GMOs, mainly soy and rapeseed. No growth hormones, activators or antibiotics, it’s 100% natural. To facilitate assimilation, according to its age, the sturgeon are fed between one and four times a day. It is customised, the ration is adapted to each fish. The youngest need to eat 2% of their weight, the oldest or the plumpest content themselves with 0.5%.
Caviar, small grey and “not ready”
To customise the farming, sorting is the most important operation. In particular, the timid are separated from the gluttons, to allow them to put on some weight. But, above all, we are preparing for caviar production. We isolate females ready to produce eggs (from around 7 years old) with nets, and collect them in tanks before pacifying them with CO2. The operation is tricky and particularly physical. Today, females weigh 20 kg on average, and there is even one that exceeds 40 kg. She was baptised “the beauty”, big being beautiful for the sturgeon. Immersed in the water, it’s hard on the back and shoulders, but work in the open air, with living things, and never routine, means the aches and pains are soon forgotten. On the sorting table, the fish pass through the ultrasound system one by one. The image informs us about the presence of eggs. If it is confirmed, Christophe collects a few eggs that will be measured with the ruler and kneaded between two fingers. Christophe has become an expert, nothing escapes him. On his instructions, the fishes are divided into three categories, caviar, small grey, “not ready”. Each one goes back to its respective pool via slide chutes. The first will supply production at the Saint-Genis-de-Saintonge workshop. The small grey will be given time to bring their eggs to maturity, one more year.. The last, the “not ready”, can quietly start their eggs production cycle (which lasts two years). This is how life goes at Saint-Fort-sur-Gironde, to the rhythm of the sturgeon, pampered by passionate men of experience and know-how.
Putting it in words l CAVIAR !“Caviar!” is the magic word that rings out at the sorting table. We know that we have a female ready to give caviar of good size and firmness.
HISTURIA l Acipenser sturio, the European sturgeon living in the Atlantic Ocean and spawning in the river, has been protected since 1982. It is the subject of a reintroduction programme. For this reason, we brought in Acipenser Baerii in 1986, a close cousin from Siberia. It is found in Kaviar Group's fish farms, along with Acipenser Gueldenstaedtii (Oscietra).
1,5 kg/m² l This is the density of sturgeon in the ponds at Saint-Fort-de-Gironde. A lucifugous (light-avoiding) species, the fish lives at the bottom of the water during the day and comes up at night.